La catégorie de l’irrémédiable existe toujours. Elle est redevable de l’intangible liberté humaine : de son irréductible libre arbitre. L’homme est fait à l’image de Dieu mais peut décider à tout moment de le nier. Il peut devenir – même et surtout dans les faits – à l’image de son contraire, Satan. Cette grandiose et dramatique possibilité est à la base du mystère global de l’homme. De nos jours, les humains essayent de l’oublier et ceci vaut pour tous les hommes, aussi ceux qui ont décidé – naturellement – de ne pas devenir terroristes. Le péché est opérationnel à partir du moment qu’on s’éloigne, même de peu, de l’image à model vocationnel de la Trinité. Les hommes essayent de ne plus y croire ou de l’exclure de leur horizon. Et c’est dans cette colossale amnésie qui est contenue la tentative trans-humaniste d’échapper à ce destin tout de même inéliminable et implacable. Le « truc » global, pseudo-religieux et passe-partout à même de contourner toute la chose, est de faire coïncider l’oubli avec le pardon divin ou avec sa disparition pure et simple : le refoulement général du mal.
Même dans l’Église cette tendance à mettre dans les oubliettes, à tout repousser carrément dans le néant, est très pratiquée : elle s’appelle « spiritualisme intimiste ». Il s’agit de la plus répandue déviation hérétique contemporaine. Le truc est très simple : il suffit réduire suffisamment le discours évangélique et couvrir ce retranchement en compensant avec un excès de verbosité apparemment très « spirituelle » et on ne peut plus « intimiste ». Méthode celle-ci quasi astucieuse et classiquement bien expérimentée dans presque toutes les hérésies. La trahison du discours christocentrique est ainsi toujours très facile et se manifeste également, de reflet, sur le plan public et politique. Elle apparait, en dépit du crédo de tous ces fidèles faux hyper-miséricordieux et auto-absolutoires de pacotille, qui essayent de reporter chaque comportement chrétien exclusivement au privatif et à l’intime. Toute la vie évangélique de Jésus a par contre été, avant tout, publique et son message extrêmement simple, jusqu’aux utilisations des paraboles ! Le discours spiritualiste et intimiste, à l’opposé, devient fatalement pseudo-intello et psychologiste. Et on le sait, aussi les messages les plus spirituels et on ne peut plus intimes du Christ – que l’on s’en souvienne – n’ont jamais frôlé, ni de loin ni de près, le spiritualisme et l’intimisme aujourd’hui tant à la mode.
Ces deux paragraphes ci-dessus, disons «historiques et doctrinaires », ne sont pas inutilement abstraits ou pléonastiques, mais concernent précisément et concrètement toute la polémique qui, aussi à partir de l’attentat islamiste de Manchester, a encore développé la dispute théologique et ecclésiologique typique et d’actualité dans nos temps. Celle-ci a vu protagonistes l’archevêque Luigi Negri, ancien et fidèle collaborateur de père Giussani, depuis sa première jeunesse (lorsqu’il était à peine au lycée), et au moins deux auteurs d’articles éreintant et injuriant (!) ad hoc, parus dans Il Sussidiario, le quotidien online traditionnel de Communion et Libération. Il faut remarquer que monseigneur Negri a été peut-être le plus prestigieux leader durant plusieurs décennies de ce mouvement mondial ! Ces deux auteurs, dénommés Leonardi et Vites, en suivant presque littéralement le schéma et les contenus que je viens d’essayer de décrire ici plus haut très synthétiquement, se sont adonnés à des critiques acerbes, superficielles et surtout non-pertinentes aux propos de la brève lettre très pastorale de l’archevêque Negri. En parfaits abrutis apparemment cultivés, ils montrent de ne savoir même pas vraiment lire et comprendre la grande sapience magistrale du prélat, de leur en réalité ex-grand prélat ! Lequel, après avoir stigmatisé la féroce mort de tous ces très jeunes participants au concert pop anglais, entre-autres il affirme : « Mes enfants, vous êtes morts ainsi, presque sans raisons, comme vous avez vécu… ». Puis il place le barycentre de son message – comme tout évêque devrait toujours faire – au cœur du problème eschatologique et éducatif : « Mes enfants de la société qui ne reconnaît pas le mal… » ! Face à cette sagesse suprême, les deux auteurs se sont délectés dans une verbosité logorrhéique de type désormais « canonique », dans le genre décrit ici dans mon paragraphe précédent. Avec en supplément un ton et des offenses inouïes propres d’une ignorance pré-politique et, surtout, pré-religieuse, si on peut dire. Et dans la mouvance d’un totalitarisme arrogant et plein d’invectives gratuites propres des nihilistes occidentaux tant haïs – entre autres – par les terroristes assassins islamistes.
Donc, spiritualisme désincarné et intimisme psychologiste : voici les armes, puissantes par leur conformisme massifié et totale adéquation à la pensée unique, utilisées – finalement – par les deux articles autrement inqualifiables ! Ces deux déviations culturelles permettent, en effet, de passer sous silence que le mal irrémédiable – ce n’est pas une constatation banale – existe bel et bien : seul le Saint Esprit peut le transfigurer. Cette existence est bien opérationnelle non seulement – il va de soi – chez les islamistes barbares et cruels (les islamiques, dits « musulmans modérés », se contentent généralement d’observer passivement et très ambigument au balcon), mais également et surtout parmi la grandissime majorité des adultes occidentaux, toujours irresponsables. Ce sont ces adultes les coupables-complices, qu’on se le dise. Non « pour justifier les terroristes », comme les deux auteurs ont essayé d’insinuer et de faire comprendre. Ces deux journalistes, à l’enseigne de tout membre de leur actuel mouvement, sont coupables en tant qu’éducateurs ratés de toute la jeunesse constituants leurs propres fils et neveux. Mais aussi en tant que citoyens dirigeants et très mauvais garants d’une société occidentale qui a trahi ses principes de civilisation. Laquelle a dans le christianisme ses fondements millénaires.
C’est de cela, et non d’autre chose, que l’archevêque Negri avait écrit.
Aucune analyse, même pas opérationnelle du mal intrinsèque du monde contre lequel les affreux islamistes continuent opiniâtrement et obtusément à ensanglanter à l’aveuglette, est avancée par ces moralistes peureux : ils ne disposent que de leur culture pieuse, niaise et béate de néo-bigots. Leur idéologie d’appartenance aux catholiques acritiques, déjà et à priori… sauvés par une certaine très supposéemiséricorde divine (vraiment pharisaïque, celle-ci !), fait que ce deux journalistes puissent se considérer dispensés totalement de tout analyse du mal universel et quotidien. Celui-ci est en train de dévaster la culture de ces jeunes désemparés qui sont soumis, sans aucun point de repère de Vérité, aux valeurs, mieux aux non-valeurs dépourvus de sens, de ce monde en perdition. Dont le concert auquel assistaient en milliers de très jeunes était un exemple très riche en pédagogie maladive et pernicieuse : c’était cela le discours du grand pasteur d’âmes Negri.
Par contre, à cause de la politique prônée – par exemple – par notre indigne couple de critiques, la plupart des catholiques ne savent même pas contredire les alacres propagandistes du nihilisme gai, en argumentant que rien n’est si grave. Et tout va bien Madame la Marquise… L’Église et ses mouvements ecclésiaux ont depuis longtemps arrêté d’éduquer ses fidèles à formuler, toujours et primairement, un jugement catholique précis et unique sur tout élément ou fraction de la réalité !
Finalement, ces critiques de soi-disant périphérie évitent comme la peste tout discours publique et objectif. Ils abondent par contre en considérations multiples de foi intimiste et intellectualiste.
Comme si le Christ, dans le Mont des Oliviers avec Ses apôtres, avant de monter aux grands fêtes religieuses pascales et traditionnelles de Jérusalem, décidait de partir méditer plutôt dans le désert et non en témoignage en plein publique en clamant haut et clair aux multitudes et à ses bourreaux la Vérité éternelle, tant systématiquement niée. C’est donc dans l’éclat de la grande ville, publiquement, où tout le pouvoir se déployait (aussi bien romain que du sanhédrin), et qu’encore se déploie toujours explicitement, que Sa vie devait et doit rencontrer son suprême témoignage. Donc Sa passion et mort sur la croix (et Sa résurrection promise par la Trinité) : on sait bien quel a été Son choix.
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