Les lois laïcistes fondées sur l’athéisme et sur l’arrogance politique de la conception dite « républicaine » (dont l’origine découle de la révolution française) ne sont certainement pas le model exemplaire sur le plan international. Et ceci même si pape Emérite Benoît reconnait justement le prestige d’une certaine rationalité des Lumières. Donc je me limiterai ici à critiquer les aspects les plus prépondérants de son rationalisme, évidemment non rationnel. C’est justement cette position, farouchement et uniquement anthropocentrique et nihiliste, qui a permis au mouvement catholique des pays généralement francophones une rigueur et une radicalité tout de même absolument remarquable et d’excellence. Devrait être évidente la prétention stupide d’exclure toute présence divine, surtout de la Révélation, au lieu de se limiter à en célébrer la seule distinction déjà évangélique (ce qui est de Dieu et ce qui est à César…). La vie publique d’un pays « républicain » (idem dans le royaume de Belgique dans lequel je vis) doit être en principe, selon cette vulgate, absolument dépourvue de tout référencement transcendant, donc religieux. Cette conception politique autodéfinie comme « laïque », en réalité bien laïciste et profondément différente de la vision sociale américaine où Dieu n’a jamais été frappé d’ostracisme, a induit les mouvements francophones chrétiens à une radicalité correspondante et symétrique qui les a poussées à s’emparer, dans l’utilisation courante, des deux mots : « transhumanisme » et « ontologie ». Le premier décrit le processus monstrueux et inhumain – propre à la prétention du siècle dit des Lumières – de rendre l’homme, créature par antonomase, comme totalement autonome et autosuffisant. Et le deuxième mot, ontologie, définit la nature intrinsèque, immuable et irréductible, du tissus humain qui le rend éternellement pareil à lui-même, au-delà de son évolution et ses caractérisations géoculturelles.
La civilisation crée toujours des néologismes – elle en a le devoir – pour définir les phénomènes de son histoire. Le Genèse de la Bible déjà le commandait, en attribuant à l’homme la faculté de tout dominer en dénommant. Le transhumanisme en est un : il stigmatise la dévastation contre-nature que la science fiction avait partiellement décrit avec le mot « mutant ». Nietzsche l’avait aussi fait, mais avec une connotation positive et inquiétante, moyennement l’appellatif de « surhomme ». Par contre la parole ontologie existe bel et bien dans la tradition, mais il est considéré un mot spécialiste et désuet de théologiens. Tandis que d’un point de vue de sa signification sémantique, il serait d’utilisation même assez courante : de nos jours l’idée de tout réinventer et de tout transformer en « droit » urgent , selon les désirs et sans plus, même de la part d’une infime minorité, courre les rues. Le mot ontologie fixe ainsi la signification de ce qui ne deviendra jamais variable, de ce que l’Essence dénote dans l’Être et dans l’existant lui-même, indépendamment de ses déclinaisons et adaptations inévitablement et opportunément historiques. Ces deux mots configurent ainsi une détermination ferme de ce qui est et demeure tojours, d’un côté, et de l’autre côté, une analyse de l’abominable et arbitraire transformation contre nature. Ce que les hommes veulent réaliser pour obéir à leur idéologie capricieuse, jusqu’à se transformer en zombies, constitue la folie la plus masochistes et moderniste (non moderne) : il s’agit-là de l’actuel transhumanisme composé principalement, par exemple, de gender, avortement et euthanasie… La détermination des valeurs non négociables n’est donc autre chose que l’individuation de la nature intime, non transformable et inhérente à la vérité impérissable, qui fonde ce que la vie e l’humain intrinsèquement sont et seront toujours. Comme l’homme a la faculté et l’obligation de tout créer et recréer en coopération avec Dieu et ses lois, il a également l’engagement plus que moral de la fidélité parfaite à sa nature intime qui définit l’harmonie du cosmos, du logos et de toute choses. En un mot l’ontologie. Toute la liberté en dépend. Celle-ci, évidemment, n’est pas faire ce qu’on veut mais ce qui est intrinsèquement et vraiment à réaliser rationnellement. Hegel l’avait formulé génialement ainsi : « la liberté est la conscience (opérationnelle) de la nécessité ». D’où l’apparente intransigeance des valeurs non négociables ! Ceux-ci sont par contre l’humble obéissance absolue à l’Être créaturel et ontologique. Autrement, on tombe fatalement dans la perdition de l’horrible transhumanisme dénaturé.
Au fond, celui-ci n’est autre chose que le contenu principal de toute la lutte politique la plus importante et non seulement l’opposition au gender, intrinsèquement partielle. Et contenue comme partie de la barbarie déferlante.
Actuellement, depuis quelques années en Italie, il est question de reconstituer un parti chrétien. Même au niveau européen (en ajournant et en élargissant aussi le PPE).
Mais faire un parti implique de le doter d’une stratégie culturelle aujourd’hui globale et pratiquement conforme à la planète. Le débat est ouvert et les travaux de préparation sont en cours, car on doit se positionner aussi face à un attaque inouï, superficiellement efficace et idéologiquement sans précédent, à la culture historique et de civilisation réellement chrétienne. Il faut donc se doter d’un discours adéquat, moderne et non moderniste, ontologique mais non passéiste, religieux et non clérical. Vaste programme, aurait exclamé De Gaulle. Cependant, il n’y a pas autre chose à faire de plus important dans ces pays européens sans aucune représentation politique chrétienne tant nécessaire. Par ailleurs, le Compendium de la doctrine sociale de l’Église, édité par le Vatican en 2004 avec ses 583 articles et presqu’autant de pages (dans nombreuses langues !), attend toujours qu’on utilise toute la gigantesque dimension de sa sapience… Aujourd’hui un parti catholique a toute sa légitimité et nécessité universelle. Le tabou de sa confessionnalité n’a pas ou plus de sens car, tout d’abord, un parti n’est jamais éternel (il n’est qu’un instrument). Et, surtout, les véritables pratiquants chrétiens sont devenus une réelle minorité très réduite et peu rigoureuse dans sa culture: l’on doit se considérer désormais, et plus que toujours, plutôt comme le « levain » indispensable ou « le sel de la Terre » vraiment nécessaire. Le processus de sécularisation et de déchristianisation général est tellement avancé qu’il faut se concevoir comme une Église en totale refondation même sur le plan pédagogique – bien entendu dans la Tradition christocentrique – comme à ses origines. Se préoccuper de disposer des mots pertinents et rigoureux, pour le dire précisément et d’une manière homogène sur le plan international, n’est pas un simple détail.
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